Je me souviens…

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  1. Je me souviens d’avoir voyagé dans le temps pour rencontrer Jane Austen.
  2. Je me souviens d’avoir pris la navette pour mars.
  3. Je me souviens de ma vie de teckel.
  4. Je me souviens de ma troisième vie de chat.
  5. Je me souviens de ma première interview.
  6. Je me souviens de mon trek dans les Andes.
  7. Je me souviens de mon premier livre édité.
  8. Je me souviens de mon safari photo en Amazonie.
  9. Je me souviens de mon premier reportage de guerre.
  10. Je me souviens de ma première rencontre avec Barak Obama.

 

Je me souviens de ma troisième vie de chat. J’étais bien tombé. C’est pas toujours le cas, ça doit être pour ça qu’on a sept vies. Cela multiplie la proportion de bonnes expériences.

Je passe sur mes deux premières vies, des erreurs de jeunesse dont j’ai retenu les leçons pour bien commencer mes nouvelles vies. Chaque chat a ses priorités et ses attentes, je suis plutôt raisonnable : des repas réguliers et un endroit pour dormir au chaud. Après, c’est du luxe, c’est la souris sur la griffe.

Dans cette troisième vie, ma mère était dans une chouette famille et mes frères et sœurs pas trop nombreux. Nous avions un petit ventre bien rebondi. Nous faisions des parties de jeu régulièrement sans trop de casse. Chacun trouvait sa place et je menais la danse mais n’en abusais pas. Tout de suite, il faut savoir trouver sa place dans un groupe, c’est une question de survie. Les humains nous caressaient juste ce qu’il faut et où il le faut. Mon truc ça toujours été sous la gueule.

Puis nous avons commencé à être dispersés. Des têtes et des mains qu’on ne connaissait pas, nous manipulaient, nous soupesaient, nous emportaient. Ce jour là, il faisait beau. Il ne restait qu’une de mes sœurs, quand je l’ai vue la première fois. Elle s’est avancée, s’est accroupie et elle a attendu, les mains à notre portée tournées vers elle. Ma sœur était occupée à attraper la queue de notre mère. Je me suis assis et j’ai fait pareil, j’ai attendu. Elle a souri et a fait un petit bruit en claquant sa langue. J’ai miaulé et levé la tête tout en me redressant pour me mettre sur mes quatre pattes. J’ai dressé la queue bien droite mais je ne me suis pas avancé. Ma sœur a abandonné la queue de notre mère pour se cacher derrière elle. Elle a avancé une main mais ne m’a pas touché. J’ai tourné le dos et suis reparti triturer un morceau de ruban. Elle a caressé ma mère, dit des choses toujours en souriant et s’est mise debout pour repartir.

Puis elle est revenue, tous les jours pendant une semaine, sans nous attraper mais toujours en laissant ses mains à notre convenance. Nous avons d’abord tourné autour, nous les avons humées puis touchées des bouts des pattes. J’ai fini par m’y frotter. Elle a laissé faire, n’a pas resserré la main. Elle l’a juste posée sur moi du bout des doigts pour parcourir mon pelage et s’est attardée exactement sous ma gueule. Quand j’ai commencé à ronronner, elle a souri et m’a appelé pour la première fois « mon rouquin ». C’est ce jour-là qu’elle m’a fait son chat.

J’ai appris à retenir mes crocs et mes griffes pour ne pas la blesser. J’ai deviné le rythme qu’il me fallait adopter pour que mes escapades me permettent de la retrouver prête à m’ouvrir et me gratouiller sous la gueule. J’ai apprécié la chaleur de ses bras, les caresses du bout du nez et j’ai appris à me blottir contre elle pour profiter de sa chaleur sans la réveiller. Nous sommes devenus un duo, puis un trio et une famille mais elle a toujours veillé à ce que je sois son unique rouquin. Quand après une vie bien remplie, j’ai clos mes pupilles pour la dernière fois, elle avait son sourire, cette main légère et juste un trémolo est venu troubler « mon rouquin ». Elle m’a fait aimer les humains, leçon importante pour mes vies suivantes.

Emmanuelle D.

 

 

 

 

Je me souviens de la fête foraine de mon enfance où j’ai réussi à attraper 4 567 bestioles à la pêche aux canards, en une seule après-midi.

Je me souviens du jour fabuleux où j’ai battu à plates coutures Martina Navratilova sur le court de tennis du parc Rousseau dans mon lotissement.

Je me souviens de cette merveilleuse journée du 20 novembre 1947 où je portais la traîne de la robe de mariée de la reine Elisabeth dans l’abbaye de Westminster.

Je me souviens de l’appel téléphonique intéressé de Paul Bocuse qui a réussi à me soutirer ma recette de la soupe aux poireaux.

Je me souviens de ma prestation à l’Eurovision où, sous des tonnerres d’applaudissements, j’ai gagné le grand prix avec ma chanson « I love too much fresh bread ».

Je me souviens du film « La marche de l’empereur » de Luc Jacquet où j’ai remplacé au pied levé un manchot qui avait dû s’absenter pour aller voir sa mère.

Je me souviens de cette incroyable époque où Flaubert m’avait demandé de relire son brouillon de « Madame Bovary » pour voir s’il restait des fautes d’orthographe.

Je me souviens de cette extraordinaire traversée de la Manche à la nage en brasse coulée en moins d’une demi-heure.

Je me souviens de cette soirée odorante de juin sur les bords de l’Oise où Hugh Grant m’a avoué son amour et demandée en mariage.

Je me souviens du jour où j’ai endossé mon costume de Superwoman, oublié au fond d’une armoire, et que j’ai sauvé la planète du covid 19 et de la télé-réalité.

 

Je me souviens combien tu étais belle, ce soir-là sur les bords de l’Oise. Un rossignol chantait, les glycines embaumaient et tu ressemblais à une aquarelle de Marie Laurencin dans ta robe blanche à pois bleus et rouges. Je venais de finir le tournage de « Coup de foudre à Notting Hill » et j’avais le blues. J’avais passé mon temps à supporter les roucoulades de Julia Roberts et je n’avais qu’une envie, passer voir ma grand-mère de cœur à Gerberoy et te voir ! Oui, surtout te voir toi, mon aimée, mon unique, ma pervenche des îles ! J’étais fatigué de toutes ces bombes sublimes que je côtoyais dans mon métier et j’avais soif d’authenticité. Tu étais la voisine de mamie Hortense et je t’avais rencontrée chez elle. Dès que je t’avais vue, j’avais été sous le charme ! Pas de maquillage, pas de robe de grand couturier. Avec ton petit tablier La Redoute et tes chaussures Eram, tu m’avais enchanté. Je crois que je suis tombé amoureux de toi au premier regard. Difficile ensuite de regagner sereinement mon hôtel particulier de Chiswick. Mais producteur et réalisateur m’attendaient et je me devais d’honorer mes contrats. Je ne pouvais décevoir mon public.  J’avais failli quitter le tournage à plusieurs reprises, pour fuir ma partenaire et venir te retrouver mais le devoir avait malgré tout été le plus fort.

Je suis arrivé en fin d’après-midi, j’étais passé le matin à la joaillerie Harry Winston et j’avais choisi une petite bague toute simple avec un diamant de plusieurs carats entouré d’émeraudes et de rubis. Je me faisais une joie de te l’offrir et j’avais à te confier une décision importante, qui allait changer le cours de ma vie.

J’ai embrassé rapidement mamie Hortense et ai couru au lieu où je t’avais donné rendez-vous sous prétexte de te parler de la santé de ta chère voisine. Je ne t’avais encore jamais rien dit de mes sentiments à ton égard et je me réjouissais de te les révéler. Je savais que j’allais te surprendre et j’étais fou de de bonheur.

Après quelques paroles banales, je me suis agenouillé devant toi, t’ai tendu l’écrin et t’avouant mon amour et en te demandant de m’épouser.

Tu t’es alors mise à rire et tu m’as répondu : « Ça va pas la tête ! Tu t’es regardé ? De toute façon, je vais me marier avec Kevin, le charcutier ».

J’ai repris l’avion pour Londres et, une fois arrivé chez moi, j’ai appelé Julia Roberts.

ETEL

 

 

 

 

– Je me souviens d’avoir gagné le droit de rejouer au loto

– Je me souviens d’avoir pu parler à Nelson Mandela lors de sa libération

– Je me souviens d’avoir écrit une chanson pour Florent Pagny

– Je me souviens d’avoir porté le premier coup de marteau lors de la démolition du mur de Berlin

– Je me souviens d’avoir eu un chien qui parlait

– Je me souviens d’avoir fait fuir un puma qui pourchassait un bébé girafe

– Je me souviens d’avoir combattu un ours en pleine forêt canadienne

– Je me souviens d’avoir dansé sur la glace du lac Érié

– Je me souviens d’avoir vaincu ma peur du vide en sautant du pont de la mariée

– Je me souviens de m’être déguisé en écureuil pour me rendre costumé à la Caisse d’épargne

 

Je me souviens de ce matin de 1er avril (un jeudi) où j‘ai dû relever le défi lancé par une bande de copains lors d’une soirée légèrement arrosée. Je me suis donc costumé des pieds à la tête en écureuil et me suis coltiné le chemin à pied (il fait chaud dans un costume.) pour arriver à la banque.

Je suis entré, me suis mis derrière la file et j’ai attendu mon tour. Les gens qui étaient là, avaient à la fois enviede rire mais une certaine anxiété se lisait sur d’autres visages.

Au bout de 10 minutes, ce fût mon tour, le guichetier, plongé dans ses documents me demande :

– Que puis-je faire pour vous ?

Et au moment où il lève la tête je lui tends 3 noisettes à mettre au coffre.

Il fût complètement décontenancé et je partis d’un éclat de rire sans pouvoir m’arrêter. Mes potes étaient dehors écroulés de rire aussi lorsqu’ils virent le vigile de la banque me prendre par le bras pour me montrer la sortie. Mais alors qu’il rebroussait chemin, il se retourna et me lança en riant :

L’année prochaine déguise-toi en abeille au moins on aura du miel à se partager.

Niel’s M

 

 

 

 

 

 

Je me souviens, petite fille, d’être entrée dans le cabinet médical de mon toubib de père et d’avoir volé son stéthoscope.

Je me souviens de m’être laissée enfermer dans le musée Grévin, une nuit entière, et d’avoir hurlé de peur !

Je me souviens d’avoir rencontré Lino Ventura sur une île déserte et qu’il m’avait invitée à dîner.

Je me souviens, pendant la messe, d’avoir prié pour que le curé tombe de la chaire où il était monté pour prêcher.

Je me souviens d’avoir vu deux aurores boréales.

Je me souviens d’avoir avalé 10 éclairs au café de suite.

Je me souviens d’être montée sur la scène de l’Opéra et d’avoir interprété « La Reine de la Nuit »

Je me souviens d’avoir fait la manche à la station Châtelet.

Je me souviens d’avoir refusé d’épouser Alain Delon !

Je me souviens des applaudissements du public quand j’ai exécuté un triple salto sur la patinoire des J O d’hiver.

 

Je me souviens : je suis mollement alanguie, sur le dos, sur une plage déserte ou désertée, je ne sais plus ? Ma main droite cueille machinalement du sable et le laisse filer entre mes doigts ; je fixe le ciel d’un bleu désespérant ! Je ne pense à rien, je suis tout entière au bonheur d’être là, au bonheur « d’être » tout simplement ! Me mettant sur les coudes j’aperçois une voile au loin ; le bateau se rapproche, poussé par le vent arrière qui gonfle sa voile aux couleurs de l’arc en ciel.

Je perçois désormais le skipper. Il vient d’affaler, il a l’air grand ce capitaine ! Ses cheveux, très longs, n’ont pas connu de peigne depuis longtemps ; voici qu’il jette l’ancre : il compte donc débarquer ! L’annexe est à l’eau, il se dirige vers la plage et je distingue maintenant son visage : ses dents qu’il découvre dans l’effort de ramer, ses dents ? Mais oui, c’est Lui, lui le grand Jacques ! Brel, le chanteur, devenu navigateur !

Je me lève, il débarque et me demande si je pense qu’il pourra refaire le plein d’eau pour son voilier : je lui réponds qu’il est plus facile ici de faire le plein de rhum ! Déçu mais souriant de toutes ses dents (qu’il a très grandes) il m’invite sur son bateau.

Et nous voilà tous deux installés à l’ombre du taud entre trois guitares et deux bouteilles de rhum. Et j’ai droit au concert de ma vie : sa grande silhouette dégingandée adossée au mat, il postillonne vers les vagues son Plat pays et ses Flamandes et « mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol » et c’est quand il en fût à « Mon amour, mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour » que je me réveillai, dans mon lit cette fois et aux côtés d’un autre « merveilleux amour »

Annette L.

 

 

 

 

Je me souviens avoir rencontré le Dalaï Lama

Je me souviens avoir eu le privilège de voyager dans l’Orient Express

Je me souviens de manger des tartines beurrées au goûter avec un carré de chocolat

Je me souviens de mener brouter mon troupeau de chèvre dans le Cotentin

Je me souviens de boire un verre avec « Prince » en personne !

Je me souviens de faire l’ascension du Kilimandjaro

Je me souviens d’essayer de monter à cheval

Je me souviens de nager avec les tortues et les dauphins

Je me souviens de déjeuner dans le palais du Rajasthan avec le Maharadjah

Je me souviens être couverte de bijoux et d’or

Je me souviens de voyager dans l’Orient Express de Paris à Venise.
Quel voyage ! Il y avait un détective un peu étrange d’ailleurs qui circulait dans le train, dénommé Hercule Poirot, et menait une enquête des plus discrètes.

Quel voyage ! Les paysages magnifiques, les diners aux chandelles et nappes blanches, les robes du soir…nous parlions durant des heures avec des personnalités célèbres et intellectuels.

C’était un voyage hors du temps… la notion de temps n’a plus la même signification dans ce train…

Je ne me souviens plus avec qui je voyageais ? Avec moi même sans doute accompagnée de vieux souvenirs.

Flore H.

 

 

 

 

Je me souviens de ce coucher de soleil sur le Golden Gate.

Je me souviens de nos pieds sur les grappes de raisin de notre millésime.

Je me souviens de ce vol en première classe, allongé confortablement. Je contemplais le monde de nuit avec une hôtesse aux petits soins.

Je me souviens de ce saut en parachute où je faisais l’étoile de mer dans le ciel.

Je me souviens de ce canard qui nageait pour avoir de beaux magrets.

Je me souviens de ces baskets électriques qui marchaient à vingt kilomètres/heure.

Je me souviens de cette pâte à pain qui ne collait pas aux doigts.

Je me souviens de ce claquement de doigts qui avait rangé mon armoire.

Je me souviens de ce fromage qui sentait la rose.

Je me souviens de ce boulanger qui mettait des mots doux dans les croissants.

 

Je me souviens de ce boulanger qui mettait des mots doux dans les croissants.

Chaque matin, dans la rue, à plusieurs mètres, on sentait la boulangerie ouverte et les croissants chauds. Tous les matins, je regardais la grande horloge de la boulangerie pour vérifier si j’étais à l’heure ou si je devais me dépêcher. Si la grande horloge m’indiquait quelques minutes d’avance, j’entrais acheter mon pain quotidien.

Acheter son pain le matin : c’est avoir l’embarras du choix, éviter la cohue du midi et admirer la belle énergie de la boulangère matinale. Tous les matins, cela me motivait à presser le pas.

Un matin, l’horloge de la boulangerie m’a indiqué huit minutes d’avance. J’ai acheté mon pain noir habituel et pour la première fois, comme j’avais le temps, un croissant. Avec un café, j’ai dégusté ce croissant, en le déroulant méticuleusement, pour faire durer le plaisir. Au milieu, j’ai découvert un truc blanc. Aussitôt, mon cerveau s’est mis en mode alerte. Mais qu’est-ce que c’est ? Un chewing-gum ? Dégoûtant !… Non, ce n’est pas ça. Une fève ? Sympa !… Non, ce n’est pas ça. Un papier plié ?… Oui, c’est surprenant !

A l’intérieur, il était écrit « Prenez soin de vous. ». Gourmande et troublée, j’ai mangé les miettes et le papier. Depuis, je n’ai plus mal à l’estomac. Mon ulcère est pansé.

O.T.

 

 

 

 

Je me souviens d’avoir entrepris le pèlerinage de Compostelle, de m’être trompé de chemin dès le début, et d’avoir fait une rencontre magnifique : toi. Tu étais perdu toi aussi. T’en souviens-tu encore ?

Je me souviens d’être partie en vacances au bout du monde et d’avoir rencontré ma voisine qui pique niquait au même endroit que nous.

Je me souviens d’avoir nagé autour d’un îlot paradisiaque et d’avoir été suivie par un banc de poissons blancs et jaunes qui en voulait à mes palmes roses.

Je me souviens d’avoir dansé le tango toute une nuit avec un argentin rencontré à la fête médiévale de mon village provençal et d’en rêver encore.

Je me souviens de mon amie d’enfance Brigitte que j’ai retrouvée 50 ans après, je l’ai reconnue à sa drôle de façon de faire la moue. Elle ne m’a pas reconnue.

Je me souviens d’avoir puni le chat qui m’avait volé mon jouet en peluche  en l’enfermant dans les toilettes. Bien fait pour moi, il était parti par la fenêtre.

Je me souviens d’avoir rigolé comme une tordue à une blague que je trouvais idiote pour faire plaisir à mon amoureux du moment.

Je me souviens des moments délicieux passés avec ma mère à la cuisine quand elle m’apprenait à faire la mousse au chocolat.

Je me souviens de Bernard mon petit copain de classe enfantine, je voulais me marier avec lui, c’est ma sœur qui l’a épousé.

Je me souviens d’être montée au sommet de la tour Burj khalifa la plus haute du monde, et d’avoir cru que le monde était à l’envers tout en bas.

Je me souviens d’une soirée magnifique dans le désert au son des tambourins, et d’avoir ensuite bivouaqué sous les étoiles en craignant les scorpions qui auraient eu la mauvaise idée de me retrouver dans mon sac de couchage.

 

Nuit dans le désert

Je me souviens d’une soirée dans le désert où nous avons assisté à une formidable course de chameaux. Ils étaient tous harnachés de pompons de couleurs vives, les cavaliers tous vêtus en blanc, le chèche bien serré sur leurs têtes. Sous les cris des participants, le blatèrement des bêtes, la poussière ocre qui s’envolait, je me sentais toute petite, dans un autre monde, à la fois violent et magique.

Ils sont partis à toute allure, ont disparu derrière les dunes, puis sont revenus en désordre et dans une bousculade incroyable. Je n’ai jamais su qui avait gagné ou perdu, ce n’était pas important, c’était juste pour la galerie à laquelle j’adhérai complètement.

Un barbecue de mouton a ensuite été organisé, mangé avec les mains bien sûr, c’est la tradition, je n’y ai pas dérogé. Nous avons eu droit aussi à de la musique traditionnelle qui accompagnait des danseuses arabes jolies et souriantes. Tout était parfait, bien organisé, notre groupe jouait le jeu et applaudissait avec des mains plutôt gluantes, il fallait s’y faire !

Le soleil s’était couché derrière les dunes et une forêt d’étoiles illuminait un ciel immense. Il faisait de plus en plus froid, il était temps de gagner mon sac de couchage bien douillet. Coincée contre mon compagnon, je sentais sa chaleur m’envahir. Il s’est mis à ronfler doucement, j’étais rassurée, un silence trop pesant m’aurait oppressée.

Je me remémorais cette soirée inoubliable, et le sommeil commençait à venir doucement. Des petits grattements accompagnant les ronflements de mon compagnon m’ont fait revenir à la réalité : j’étais couchée sur le sable en plein désert qui, comme chacun sait, est rempli de scorpions jaunes venimeux. Je n’osais pas bouger, ni réveiller celui qui dormait profondément à côté de moi. Je me suis enfouie complètement dans mon sac de couchage en serrant la cordelette au- dessus de ma tête bien encapuchonnée de deux bonnets et d’une casquette. La nuit fut très longue, trop longue.

Aux premières lueurs du jour, je sortis de mon sac de couchage complètement hébétée. Le sable autour de moi était griffé de marques inquiétantes. Des scorpions ?

« Tout va bien ? » me demanda mon compagnon.

« Oui, ça va, sauf que s‘il y a des scorpions à manger à midi, faudra pas compter sur moi ! »

Dany J

 

 

 

 

1/ Je me souviens avoir fait le pèlerinage de St Jacques de Compostelle

2/ Je me souviens du temps où j’écrivais mon premier roman

3/ Je me souviens de ma boutique de brocante et design

4/ Je me souviens de mes cours de chant lyrique

5/ Je me souviens des heures passées à dessiner sur mon carnet de croquis

6/ Je me souviens des répétitions de mon groupe de jazz

7/ Je me souviens de ma faculté à entendre les pensées des gens

8/ Je me souviens de mes joggings matinaux

9/ Je me souviens du jour où j’ai trouvé ma petite maison face à la mer

10/ Je me souviens du monde quand il n’y avait pas de guerres

Je me souviens de la découverte de cette petite maison face au golfe du Morbihan. J’en avais longtemps rêvé et je pensais que ce projet ne deviendrait jamais une réalité jusqu’à ce qu’elle apparaisse devant moi au hasard d’une promenade. Dès que je la vis, je sus que ce serait la mienne. Elle était abandonnée, le jardin était en friches et envahi par des ronces. Mais elle trônait pimpante et fière sous le soleil et j’ai été charmée par ses murs de granit, son toit d’ardoises et ses volets bleus. Des roses trémières s’y accrochaient. Un massif d’hortensias finissait de fleurir sous une fenêtre. Au-delà de la petite route qui la longeait, serpentait un petit chemin qui descendait à la plage. On voyait luire la mer du jardin et j’entendais le ressac des vagues. J’imaginais déjà mes petits-enfants dévalant le sentier à toute allure pour aller pêcher des coquillages dans les rochers puis rentrant heureux et ivres de soleil et de grand air avec quatre moules et deux praires dans leur panier. J’imaginai immédiatement que cette maison de pêcheurs abriterait ma retraite et les vacances de mes petits. J’en ferais un refuge de paix et de bonheur. De nombreuses démarches et quelques mois plus tard, sortant de l’étude notariale avec le titre de propriété en mains, mon téléphone sonna : ma fille m’annonçait qu’elle était enceinte. J’allais être grand-mère pour la première fois.
France CG

 

 

 

 

Je me souviens de ces après-midi à l’ombre des palmiers et du doux bourdonnement des chapeaux volants.

Je me souviens du temps béni des pianos aqueux et des accordéons fleuris.

Je me souviens du chat gris qui mangeait une patate.

Je me souviens de l’odeur poussiéreuse de la vieille boite acidulée.

Je me souviens de cette sensation bizarre quand résonnaient les arbres.

Je me souviens de ce chien qui savait compter jusqu’à deux cent sept.

Je me souviens de la jalousie du hamster qui ne comptait que jusqu’à cent trente-huit.

Je me souviens de la douce chaleur qui émanait de la marmite du géant.

Je me souviens que mes pieds étaient grands comme des bateaux.

Je me souviens de l‘odeur de la couleur bleue.

C’était il y a maintenant, quoi, bien cinq ans je pense. J’arpentais la ville sans but précis, il faisait chaud. C’était le début de l’été et les touristes n’avaient pas encore pris les rues d’assaut. J’aimais bien cette période où les petites boutiques perdues au fond des ruelles ouvraient leurs portes après l’hiver comme après un long sommeil. Il y avait toujours des petits objets artisanaux qui attiraient l’œil dans les vitrines ou des luthiers qui ramenaient à la vie des instruments depuis longtemps disparus. Toutes ces productions éphémères éveillaient mes sens et attiraient mon esprit comme l’odeur du pain chaud incite le corps au réveil. C’est d’ailleurs une odeur qui guida mes pas jusque devant une minuscule échoppe que je n’avais jamais remarquée auparavant. Ce n’était pas vraiment une boutique, il n’y avait là qu’une porte ouverte sur quelques marches qui descendaient sous la rue. Mais de cette porte s’élevait une odeur que je n’avais jamais sentie encore. Une odeur légère mais entêtante, fraiche et envoutante. Intrigué par ces nouvelles sensations je m’engageai dans les escaliers et débouchais dans une cave ressemblant à l’idée que je me faisais de l’antre d’un alchimiste. Ici l’odeur était plus forte, plus prenante. Au milieu d’un capharnaüm de fioles de toute tailles se trouvait un homme occupé à ramasser des débris de verre au pied d’un établi. Difficile de lui donner un âge précis mais ses longs cheveux blancs et sa grosse barbe lui donnaient un air d’enchanteur de contes pour enfants. Pendant qu’il maugréait dans sa barbe, je toussotais et lançais un bonjour pour attirer son attention. L’homme tourna la tête, me dévisagea de bas en haut, sembla hésiter une seconde, puis se leva en me tendant la main : « Jean-Charles Vallois, peintre d’odeurs, pour vous servir » lança-t-il d’une voix grave et avec un grand sourire.

– Ne faites pas attention, je viens de renverser mon pot de bleu !

– Votre pot de bleu ? Mais je ne vois rien, m’étonnais-je.
– Mais c’est normal jeune homme, je peins avec des odeurs. Les odeurs n’ont pas de couleurs mais les couleurs, elles, ont une odeur ! L’odeur que vous sentez en ce moment, c’est l’odeur du bleu que je viens de renverser par mégarde
– Ah ben ça alors, m’épatais-je.
– Oui, je suis en train de réaliser le tableau d’un sous-bois sous un ciel de printemps. Venez, je vous montre.
L’homme me montra alors ses fioles qui semblaient vides mais qui renfermaient l’odeur des couleurs. Ces nouvelles sensations m’émerveillèrent et je restais ainsi à le regarder peindre pendant plus d’une heure. Enfin l’homme termina son tableau et quand je quittais son atelier l’odeur de terre humide caractéristique des sous-bois au printemps flottait dans l’air.
Yannick M

 

 

 

 

Je me souviens de ce soir d’été où je naviguais sur mon voilier avec mon mari, tous deux enchantés.
Je me souviens un jour m’être envolée, dans cette montgolfière aux motifs étoilés, avec cette sensation de légèreté.
Je me souviens avoir scruté les fonds marins, dans un pays lointain, et, avec l’océan, ne faire qu’un.
Je me souviens avoir exploré, avec tant de naïveté, une jungle, d’un air émerveillé.
Je me souviens m’être enivrée jusqu’au petit matin, avec l’être aimé, sur cette plage que les gens avaient désertée.
Je me souviens avoir joué et couru, dans ce champ à perte de vue, avec mes amis d’un temps révolu.
Je me souviens avoir dévalé le Mont Blanc, en skiant, cheveux au vent.
Je me souviens de ce coucher de soleil, dans la savane africaine, voyant apparaître au loin des lions et des hyènes.
Je me souviens avoir été au pied des chutes du Niagara, et ressentir cette pleine puissance, résonner en moi.
Je me souviens avoir dormi, dans une cabane sur pilotis, au beau milieu des eaux de Tahiti.

C’était en juillet 2019, lors de mon voyage de noces. Ça me tenait à cœur depuis si longtemps de partir m’évader sur une île paradisiaque. Et on peut dire que j’ai été servie. Non seulement j’étais avec l’être que j’aime le plus au monde et en plus, dans un cadre unique et merveilleux, que demander de mieux ? Mais s’il y a bien un moment qui restera encré dans ma mémoire, c’est celui où j’ai eu la chance de passer une nuit dans cette cabane, au beau milieu de l’océan pacifique. J’y ai accédé en pirogue, avec un local qui gérait l’entretien de ces petites huttes, qui se trouvaient à une centaine de mètres des terres Tahitiennes. Une fois arrivés sur place, j’ai eu la magnifique surprise de voir des poissons aux couleurs si intenses et variées, nager au pied de la cabane. Et en rentrant, de voir le lit tapissé de fleurs blanches avec à son pied, une panière de fruits frais et locaux, prêts à être dégustés.

La pièce unique donnait sur une petite terrasse  avec une douche, ainsi qu’une petite table et deux chaises, rien de plus. Je suis restée hébétée durant quelques temps, par la vue que nous avions, que ce soit sur l’océan ou sur les terres. Lors du coucher du soleil, qui était somptueux, un homme passa en pirogue pour nous apporter de quoi manger ; un poisson fraîchement pêché, cuisiné à la Tahitienne, au feu de bois. Tout ça accompagné de deux cocktails délicieusement parfumés. Nous nous sommes régalés tant gustativement que visuellement. Me régaler, à mille lieues de mes tracas quotidiens, avec l’être aimé, à la lumière du coucher de soleil, au beau milieu de cette eau cristalline et limpide permettant d’admirer cette splendide faune marine.

C’est ce moment en particulier qui restera gravé en moi à jamais. Je ne pouvais pas rêver mieux. Et, même à ce jour, si je veux m’évader et aller au travers de mes soucis, je n’ai qu’à replonger dans ce souvenir, qui aussitôt me ressource.

Mylène P.

 

 

 

 

  • Je me souviens du jour où j’ai bu du thé Earl Grey à la bergamote, avec des petites meringues à la fraise, en compagnie de Mary Poppins ! en lévitation, et à deux mètres du sol.
  • Je me souviens de cette fois où Harry Potter m’a prêté sa cape d’invisibilité le jour où j’étais très en retard au travail pour que je me fasse pas attraper par ma chef !
  • Je me souviens de cette nuit où je me suis endormie au travai , dans la Bibliothèque et où je suis passée de l’autre côté des rayonnages…
  • Je me souviens du jour où Candy m’a demandé d’être sa témoin pour son mariage avec Anthony le petit prince des collines. Il faisait si beau et j’étais tellement contente d’avoir mis de petites ballerines plates !
  • Je me souviens de ce jour de novembre 2019 où j’ai aidé Sherlock Holmes à coincer un bandit rue de la Rép. Il a tenté de se cacher à la FNAC parmi les livres de cuisine mais je l’ai tout de suite repéré et montré à Sherlock qui s’en est chargé.
  • Je me souviens de ma traversée sous-marine à pieds de l’océan Atlantique, avec mon sac qui n’arrêtait pas de s’ouvrir à cause des courants marins !!!
  • Je me souviens quand je parlais aux oiseaux pendant les quatre ans où j’ai habité dans une très belle cabane en haut d’un baobab. Ce qu’ils ont blagueurs ceux-là alors.
  • Je me souviens de ma visite guidée de l’Atlantide avec Jacques Mayol, mon dieu qu’il était bavard.
  • Je me souviens de ce paisible tour du Loch Ness sur le dos de Nessi par une nuit de pleine lune étoilée !
  • Je me souviens de l’omelette brûlante mangée chez la mère Poulard après qu’ en pleine nuit une tempête nous avait surpris en calèche non loin du Mont Saint-Michel !!!!

 

Je me souviens de cette nuit où je me suis endormie au travail, dans la Bibliothèque et où je suis passée de l’autre côté des rayonnages…

Ça remonte à l’époque où on souffrait du stress et de la fatigue des jours de travail qui se succèdent avec frénésie. J’avais bossé dur les deux derniers mois et encore plus cette semaine-là, enchaînant journées tendues et nuits blanches à lire et décrypter des pages et des pages sur le sujet de ma prochaine expo. J’étais abrutie de lectures, la nuque endolorie, les yeux brûlants et secs, un peu déprimée de la montagne de choses qu’il me restait encore à faire. Je mis mes poings sur mes yeux et les pressais très forts pour faire partir les tensions. Je m’étirais mollement un peu à bout, puis je finis par mettre ma tête au creux de mes bras, histoire d’y trouver refuge juste un instant. Il était dix-huit heures, je me donnais dix petites minutes avant de tout reprendre là où je m’étais arrêtée. Il avait dû se passer même pas une seconde, quand je sursautais tirée de ma torpeur par un grand fracas. Je fus aussitôt en alerte : un tel bazar n’était pas courant dans une bibliothèque !!! Qu’est-ce qui se passait ? l’heure était grave. En deux temps trois mouvements j’étais sur pieds et me précipitais dans le couloir d’où provenait le vacarme. Qui avait laissé monter des gens ? Cette partie du Centre était interdite au public, personne d’étranger au service ne pouvait y avoir accès. Ma collègue allait m’entendre, à moins qu’ils aient profité de son absence pour monter : les gens étaient sans gêne de nos jours, prêts à tout pour fourrer leur nez partout et faire le meilleur selfie là où il ne faut pas. Mais ils étaient combien là-dedans ??? c’était quoi tous ces bruits, on aurait dit un hennissement de… de cheval !? Je ralentis au fur et à mesure que j’approchais de la salle de conservation. Si des visiteurs se trouvaient là c’était une catastrophe, on y tenait à l’abri du temps, de la lumière, de tous les autres spores néfastes aux papiers les documents les plus précieux ! Et du monde il semblait y en avoir vraiment. C’est le terrible constat que je fis quand je passais la tête dans l’encadrement de la porte. Mon dieu ! d’où venaient-ils tous ? Qu’est-ce que c’était que ces vêtements ? Un bal masqué dans les réserves, c’était une blague !? La stupeur me rendait muette, je ne protestais même pas lorsqu’une femme vêtue comme une servante de 1889 me bouscula, se dirigea vers la fenêtre de la cour pour y déverser le contenu douteux d’un saut. J’allais lui crier quelque chose, quand un grand éclat de voix parti d’un coin de la salle « Non Péguy ! vous m’entendez cette guerre ne peut avoir lieu ! cela serait une folie sans nom, une boucherie des plus inutiles ! » ce à quoi un petit homme de dos rétorquait avec de grands moulinets de bras « Jaurès !!!comment osez-vous… devoir…défendre la Nation…» ses propos se perdirent dans le brouhaha tandis que je le vis rajuster ses lunettes pendant que son visage s’empourprait. Mais ils vont se battre, je n’y crois pas !? Un grand frémissement de toile envahit l’air, j’eus juste le temps de me pencher pour distinguer une gigantesque nuée blanche qui ondulait dans l’espace, à ses côtés une jeune femme en collants et corset pailleté, donnait des directives : « plus haut les bras Marie ! plus haut ! » et de la toile vibrante éclata un rire : « Chère Loïe je n’ai pas votre force et votre talent !!!! Je vous avoue que je suis plus à l’aise au milieu de mes fioles et de mes équations ! ». Je les connaissais ces deux-là, mais d’où ?? J’ouvrais la bouche pour les interpeller quand je reçus l’équivalent d’une vague glacée sur la tête ! De l’eau sur les boîtes de stockage ? Quelle horreur qui avait fait ça ??Quand je me retournais j’aperçus sur l’étagère de tous petits hommes aux prises avec un énorme poulpe, juste derrière un sous-marin faisait surface balloté par une mer déchaînée. Tout en haut, étalé de tout son long un grand homme à la barbe blanche poussait nonchalamment du bout de sa plume, tour à tour le poulpe, puis les petits hommes et le sous-marin : « Formidable ! fantastique ! il n’y a aucune aventure qui ne résiste au grand Jules ! » Alors là !!! comment est-ce qu’il était parvenu à se percher là-haut celui-ci ???à son âge en plus ! Je n’eus pas le temps de m’interroger plus, un gamin passa devant moi tenant à bout de bras un exemplaire du petit journal, enserrant une liasse d’autres contre sa chemise toute… sale ! « Achetez le Petit journal ! dernières nouvelles !!! ». Alors ça non ! On ne touche pas les documents sans gants de protection… J’essayais de l’attraper mais il fut plus rapide que moi et fila en courant son journal à bout de bras. Je n’eus que le temps de me plaquer contre le rayonnage pour éviter de justesse une hippomobile tirée par un cheval massif. Elle me frôla pour disparaître je ne sais où ne laissant sous mes pieds qu’un peu de crottins odorants et gluants… C’était le comble ! Qui allait se charger de nettoyer tout ça ???  « Pas moi !!! » me dit une jeune femme en robe verte avec un petit bonnet blanc planté sur son crâne qui ainsi coiffée semblait chauve, « Madame m’a demandé de porter ce paquet chez sa couturière alors nettoyer le plancher je n’en ai pas le temps !!! dame non ! » pesta-t-elle en s’en allant. J’étouffais un juron quand une douleur lancinante me transperça le mollet. Je baissais les yeux et vis une masse jaune qui s’acharnait en maugréant sur ma jambe. Un rire éclata dans mon dos, et je me retournais juste pour me trouver nez à nez avec une vache hilare que ma situation amusait semble-t-il ! « Allez viens Gédéon, laisse la tranquille ! » dit-elle. Une vache qui parle ??? et puis quoi encore. « Vous semblez étonnée de voir les animaux parler, et pourtant c’est bien vrai ! » me dit une femme aux cheveux auburn, et à l’œil charbonneux. Elle allait poursuivre quand un homme la héla « Colette ! Colette ! mais qu’est-ce que vous fichez, par ici, vite nous sommes attendus ! ». Et elle me laissa là complètement perdue. « Chaud devant ! ‘tention ma p’tite dame c’est que c’est lourd tout ça vous savez ! » deux hommes en bras de chemise me passèrent devant avec une longue poutre métallique, enfin je parvins à demander « Mais d’où est-ce que vous sortez ça ? qu’est-ce que vous faîtes ??? » l’homme repoussa sa casquette et tandis que je trottinais à ses côtés me répondit « On fait quelque chose de grand, même de très grand, m’est avis que quand ça sera terminé vous allez pas vous en remettre ma p’tite !!!! Voyez M’sieur Eiffel là-bas dans le coin il saura vous renseigner ! ». Monsieur Eiffel ? le monsieur Eiffel de la tour ???Tout à coup une violente explosion me cloua au sol, je sentis un souffle chaud et de la terre se mit à tomber en pluie. Le silence se fit, je levais les yeux et vis des soldats en uniformes de la première guerre se relever et partir en courant en direction du couloir. Alors là, c’était le summum ! qu’ils se costument d’accord, qu’ils envahissent le magasin pourquoi pas, mais faire exploser des pétards dans les réserves d’une bibliothèque pas question. Je me levais et poussais un hurlement dont je ne me soupçonnais pas la force. « ET ALORS !!!!!QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE BAZAR ! VOUS ÊTES DANS UNE BIBLIOTHEQUE ICI ! » Une femme d’une grande élégance coiffée d’un gigantesque chapeau à plumes partit d’un grand éclat de rire sonore et leva sa coupe de champagne en ma direction. Quelqu’un me tapota l’épaule, et je me retrouvais face au petit homme en colère de tout à l’heure. « Un ton moins haut je vous prie ! » me dit-il sèchement « nous n’avions pas besoin de vos braiements pour savoir que nous étions dans une bibliothèque. C’est vous qui vous comportez de manière indigne, et il ne convient pas d’adopter une telle posture dans notre cité harmonieuse ! Vous êtes ici chez nous, c’est notre temps, notre heure, en aucun cas la vôtre ! » Il était de nouveau devenu tout rouge, et la peur me prit. Sa diatribe m’avait fait reculer jusqu’à mon bureau, je fermais la porte pour lui échapper. La pendule marquait sept heures… du soir ou du matin ? Derrière la porte le bruit s’amplifiait et s’amenuisait en vagues confuses. La fatigue me submergea, et j’étais à deux doigts de pleurer, que faire pour arrêter tout ça et sauver les documents ? Un rayon de soleil éclaboussa mon bureau. Le matin se levait calme et serein…Serein comme… l’air autour de moi tout à coup. Lentement j’entrouvris ma porte, craignant de tomber à nouveau sur le petit homme. Mais rien, un calme plat. Il y avait encore de la lumière dans la grande salle, mais de la foule de tout à l’heure il ne restait plus rien. Le sol était propre, et seul brillait une petite paillette coincée dans l’interstice du parquet. Tout était en ordre et semblait dormir comme après une longue nuit. Je crus percevoir un rire ou un bruit de sabots, et comme le remous d’une vague lointaine, mais mis à part un air lourd et chaud rien ne semblait anormal. C’est ainsi, oui je m’en souviens ! que j’ai appris qu’il y avait un temps pour tout et pour tous. C’est ainsi que j’ai eu la chance d’apercevoir leur temps, leur heure à tous ceux-là qui reposent entre les pages des livres et des journaux. Depuis quand sonne dix-huit heures je m’empresse d’enfiler mon manteau de rassembler mes affaires et de courir prendre mon tram. Je sais qu’au cœur de la nuit ils prendront vie.

Sandrine S.

 

 

 

 

1/ Je me souviens de mon premier atterrissage, seul aux commandes d’un Cessna. Je n’arrêtais pas de rebondir et j’entendais dans mes écouteurs : atterrissage à 10H30, 10H31, 10H32…

2/ Je me souviens des autobus à balcon arrière et de l’inimitable « Avancez sur l’avant » du contrôleur.

3/ Je me souviens de cette série d’extraordinaires coïncidences : Vendredi treize, salière renversée à table, passage sous une échelle et ce coup de klaxon qui me surprit lorsque je traversais sur un passage protégé avec le piéton rouge affiché.

4/ Je me souviens de la queue, pour obtenir un autographe d’Audrey Hepburn après la projection à Cannes de « Vacances Romaines », et de mon retour à Nice sur ma Vespa. Je croisais le Colisée, la fontaine de Trevi, La place d’Espagne avant de me réveiller au premier feu rouge brulé.

5/ Je me souviens de cette randonnée en forêt et de ce cerf qui nous surveillait au travers d’un feuillage, bloquant net nos pas avant de tourner la tête et de s’éloigner d’un trot de seigneur.

6/ Je me souviens de ma première pizza enfournée avec précipitation. Tomates, champignons, olives dans le four et pâte collée sur la pelle à bois. J’avais inventé la première pizza-tatin.

7/ Je me souviens de ma première course de vachettes camarguaises. Impossible de décrocher la cocarde avec un cœur entre les cornes. J’avais atterri, au-delà de la palissade dans les bras d’une jeune fille…qui est devenue ma femme.

8/ Je me souviens des histoires de mon grand-oncle Gustave, pianiste-animateur de films muets au grand Escurial et qui nous faisait rêver avec des : « hier soir j’ai fait danser Marlène Dietrich ».

9/ Je me souviens de mon premier saut d’obstacle à cheval et du « bravo d’Oriola » par un gamin qui visiblement ne l’avait pas connu. Voilà comment les histoires traversent les générations.

10/ Je me souviens de ces choses qui n’existaient pas, portées par la voix de mon père me racontant des histoires invraisemblables, et que je transformais en réalité en m’endormant.

 

Le mariage de Thomas tire à sa fin. Les musiciens ont épuisé leur répertoire jazz des années cinquante dans le château loué pour la circonstance. Les musiques douces prennent le relais. Je suis installé dans un fauteuil du grand salon.

Grand-père de Thomas, je discute avec les amis des nouveaux mariés. Mon petit fils préféré s’approche avec sa toute jeune épouse et pose ses mains sur mes épaules.

-Alors, qu’est-ce que tu leur racontes ?

-J’étais en train de leur dire qu’un jour, âgé déjà, dans le hall d’un lieu public, une femme est venue vers moi et m’a fait rêver. Je m’en rappelle comme si c’était hier !

-Ah bon ? Dis-nous tout, elle m’intéresse ton histoire !

-Mais, tu étais présent ! Enfin, je veux dire que tu nous as rejoints à la fin.

-Moi ? Je ne me souviens de rien…

Je me souviens…

-Tu devais avoir dix ans… Mamy nous avait quittés depuis longtemps et tes parents avaient l’habitude de m’emmener avec vous pour les vacances.

Cette année, ils avaient choisi Madrid et on visitait le musée du Prado.

Là-bas les salles qui abritent les collections des plus grands s’appellent des halls. Il y avait le hall Goya, le hall Velasquez et le hall Joachim Sorolla cet impressionniste Espagnol du XIXème siècle, l’équivalent de notre Manet en quelque sorte.

J’étais subjugué par une toile chargée de lumière, qui représentait deux gamines dans le ressac d’une plage un jour d’été.

Pourquoi cette toile plutôt qu’une autre, alors qu’elles étaient toutes magnifiques ? Je ne le savais pas encore. Des souvenirs confus de ma propre jeunesse me revenaient par bribes, flous, incertains.

C’est alors qu’une belle femme est apparue. Je l’ai de suite reconnue. C’était la femme du couple de Français qui faisait la queue devant nous au guichet d’entrée. Les yeux bleus, la cinquantaine élégante, la chevelure blonde sciemment en désordre. Elle s’arrête face à la même toile, visiblement captivée. Elle tourne la tête vers moi :

-Quel réalisme ! Avez-vous remarqué cette vaguelette arrivée à son point haut et qui ne demande qu’à redescendre ?

Je m’assois sur un banc à proximité. Tout à coup, mes souvenirs me reviennent à gros bouillons. Je comprends pourquoi cette toile m’a intéressée !

Tout résonne en moi.

Mais oui, la course folle avec frères et cousins. …Le plongeon dans la première vague pour faire comme eux… la tête sous l’eau… ce gout de sel… les vagues qui nous recouvrent… l’ivresse de cette grande liberté.

Crier pour surmonter le vacarme incessant du ressac, la joie à l’état pur.

Cette amourette l’été de mes seize ans. Vais-je me rappeler son prénom ?

Elle, tout en scrutant la toile, continue :

-Et le sable ? Quel talent ! On pourrait le prendre à pleines mains et le sentir glisser entre ses doigts sur le sol qu’on ne serait pas surpris, vous ne trouvez pas ?

J’hésitais à lui répondre… Un « oui … bien sûr » m’échappa, mais dans ma tête toute une bousculade !

Le sable, quelle histoire !

Cuisant dès que l’on enlève ses chaussures… instable lorsqu’on se précipite hors de l’eau… enivrant lorsqu’on s’allonge sur ces grains brûlants les bras en croix… accueillant avec cette poussière collée sur notre peau qu’on hésitera à décoller, l’œil ébloui par un soleil violent… L’abandon… le bonheur …

Le tambourinement de mes battements de cœur me permet tout juste de percevoir le fracas des rouleaux.

Mais comment est-ce possible ? En l’espace de cinq secondes s’envoler cinquante ans en arrière ? Revenir à mes seize ans ? Cette envie folle d’y croire encore !

Je n’osais lui dire tout cela, mais à mon sourire elle a dû comprendre qu’il se passait quelque chose.

Elle allait entamer une autre phrase, que j’attendais avec impatience, lorsque  Thomas a surgi comme une trombe, terminant son arrivée par une glissade digne d’une descente olympique à skis :

-Mais enfin papy, qu’est-ce que tu fais ? On t’attend !

Je me suis levé, ai croisé le regard bleu de mon inconnue qui, avec un sourire me glissa :

-Au revoir Monsieur !

Moi, tout à mes souvenirs revenus, je m’entendis lui répondre :

-Merci … Madame…

Thomas sourit et me dépose une bise sur le front. Moi, avec un regard humide je regarde au-delà de la fenêtre ouverte et rêve à ma jeunesse envolée.

Dans le parc du château, les branches des grands arbres oscillent lentement, libérant au-dessus de leur dentelle mouvante, une multitude de points lumineux…

Gérald I